On ne peut s'empêcher de comparer Qui paire gagne aux deux autres confrères cités (Dixit, Compatibility) en ce qu'il reprend des mécaniques communes ; on ne peut s'empêcher de même d'y voir les inconvénients et points faibles des deux, repris dans un cocktail explosif. D'un côté, la façon de rechercher les joueurs qui penseront de la même façon (Dixit) devient rapidement compliquée avec le comptage des points peu clair, d'autant plus que le temps attribué par le sablier, relativement court, force davantage à trouver les associations les plus évidentes ; de l'autre, la reprise des photographies (Compatibility) n'est pas adaptée aux myopes aussitôt que l'on est plus de quatre à la table à cause de la grandeur des photos.

Le sablier sauve un peu la mise, toutefois, car il donne un rythme soutenu à la partie et engendre un léger stress que l'on ne retrouve pas chez ses frères, du moins pas sous cette forme. Le jeu gagnerait vraiment si cette durée augmentait de quelques secondes pour les plus lents d'esprit, et pour donner le temps de faire des associations plus alambiquées et, partant, plus drôles.

Un lion, un ours, un éléphant, un lion, un lion, un éléphant, un ours, un lion, un ours, un lion, un éléphant, un ours, un éléphant, un éléphant, un lion ? C'est à peu près ce qui se passe dans la tête des dompteurs, et on comprend bien leur peine ! Sous le chapiteau, seuls trois animaux donnent du fil à retordre. Mais il y a assez pour embrouiller les méninges et la mâchoire.

Les règles sont simplissimes et expliquées en deux minutes ; le jeu est accessible au plus grand nombre tant en âge qu'en effectifs, jouable à n'importe quel moment de la soirée et, bien que disposant de très peu d'éléments, agréable à regarder (et à manipuler). Mais c'est sur la manipulation mentale où ça coince, où œil, cerveau et bouche doivent se connecter. Si le ballet de ces trois personnages s'est correctement orchestré dans l'esprit avec une chorégraphie magistrale, répéter les bonnes opérations avec les bonnes syllabes est l'autre coup de manche des petits dompteurs en herbe. La rapidité est de mise si l'on ne veut pas décevoir son public et enchaîner de belles "pyramides". C'est ainsi que l'on passe de la concentration générale aux hurlements déchaînés des syllabes embrouillées.

On pourrait toutefois reprocher au jeu d'être un peu frustrant pour les moins rapides, ce qui n'est pas propre à Crazy Circus mais aux jeux du même genre. On peut davantage douter de sa rejouabilité, car il est relativement peu probable qu'il ressorte régulièrement du placard, à moins de modifier un peu les règles comme les syllabes à prononcer qui peuvent s'apprendre par cœur et retirer ainsi une partie des mécaniques. Viens voir les éléphants, voir les ours blancs, voir les lions dansants qui arrivent...

Tous aux canons, moussaillons ! Ne laissez pas s'échapper cette pourriture pleine à craquer de marchandises !

Les rafiots vont vite, très vite, dans Black Fleet. C'est fou c'qu'il y a comme monde dans ce lieu pourtant inconnu. Les ports regorgent de richesses, les eaux mouvantes de coupe-gorges, hé. Bien sûr les deux corsaires présents patrouillent nuit et jour, traquent les bandits, assurent la négoce. Mais en est-on sûr ? N'y a-t-il pas chez ces deux lascars quelque chose de louche, au fond ? Je me demande. Et puis, si certains préfèrent délaisser leur garde rapprochée pirate, qui sillonne les ravissantes sept mers pour s'adonner aux joies de la navigation, et faire leur voyage ô combien rentable à toute vitesse dans leur gros porteur rempli jusque sur le pont, profiter des ports, des filles, de la bonne bouffe fraîche, d'autres ne vont pas manquer de vous bombarder en surgissant de nulle part, pardi !

Dans ce monde, faut choisir : la violence, le vol, le vice, les assauts dans la brume, les surprises au détour d'une île, ou alors les douceurs des vents marins, les transporteurs qui te dépassent si vite qu'ils t'en tordent le cou. Mais gaffe : dans tous les cas tes effectifs sont comptés. Peu importe vers quoi tu t'orientes, il faudra de toute façon miser sur la castagne ! Si tu tapes pas, c'est les autres qui l'feront. Et puis, puisque tu peux, pourquoi s'en priver. Attention quand même, t'auras pas tout l'monde. Et certains trahissent, hé. Pour s'enrichir sur ton dos, en plus ! L'argent coule à flots pour certains, les autres coulent tout court. Opte pour ta stratégie et colle-toi à ça. Ca te sauvera peut-être, à défaut d'enterrer ton butin. En attendant, je te présente tes deux nouveaux amis : Monsieur balai à franges et son copain le seau.

L'asso pardi !

Le jeu Qwirkle est tout à fait plaisant et, comme il est inscrit sur la boîte, on n'oublie pas que l'on y a joué. Il y a certes une part de chance lorsque la main tremblante s'aventure dans le sac (*pas la boule noire !*), mais elle peut être largement contrebalancée par l'oeil avisé du joueur qui saura où et à quel moment poser son jeton dans cette jungle flamboyante de couleurs et de formes qui tourbillonnent sur la rétine au point où, en fin de partie, on en devient presque fou. Si ce stress hypnotique imprègne le joueur qui a repéré où placer un beau Qwirkle, et qui doit pesamment soutenir tous les regards qui guettent également la place, les longues réflexions sont aussi de la partie car l'on essaie toutes les combinaisons possibles d'un aller-retour d'oeil pour marquer le maximum de points.

Le jeu devient alors plus coriace lorsqu'il décide d'être renversé d'un simple jet de dé, obligeant à forcer le destin et tenter de rouler à nouveau avec une frénésie rageante le tirage qui a déplu. La chance (ou malchance) croît ici davantage, mais la seconde nouveauté est, évidemment, la possibilité pour le joueur de voir les jetons adverses, de la même façon qu'eux peuvent réduire à néant tous vos projets de tactique en un simple coup d'oeil dans votre jeu. Ici, la chance et le complot remplacement le hasard et la prière et Qwirkle se métamorphose en une course aux points sans merci. On peut regretter ainsi ce revirement qui oblige presque à regarder le jeu des autres plus que le plateau, et se sacrifier de précieux points pour ne pas favoriser sciemment le joueur suivant. De Scrabble on passe à Risk, ainsi on ne sera pas déçu parfois de revenir à la précédente version toute aussi flashante et exceptionnelle, mais beaucoup moins paranoïaque !

PS : âmes daltoniennes, s'abstenir ; rouge est à orange ce que violet est à bleu... Fusionnel !